Source : Magazine - Le Grimoire - Tome 9, proposé par Fenryll.
« Bastien Madret courait plus vite que si tous les scorpions de Khaine étaient après lui. Sa progression était ralentie par la jungle épaisse et celle-ci menaçait à tout instant de le faire chuter en dressant sur son chemin une liane épaisse ou une souche cachée. Il lui fallait pourtant atteindre le promontoire rocheux coûte que coûte car sinon, les pygmées le rattraperaient et une marmite lui ferait vite office de cercueil.
Tout avait commencé à l'Anguille plus de cinq mois auparavant. La jeune Elisabel l'avait une fois de plus invité à l'une de ces soirées de la noblesse qu'il arborait tant mais pour une fois, il avait accepté, La perspective d'être seul avec elle un peu plus tard dans la nuit, l'avait fait surmonté son dégoût pour les nobles et leur fourberie. Bien mal lui en avait pris.
Au cour de la soirée, Bastien n'avait rien trouvé de mieux à faire que d'échanger quelques coups de points avec le fils du gouverneur. Le lendemain matin, Henri Seing, un avoué-plaideur ami de son défunt père, lui avait vivement conseillé de partir vers d'autres horizons que ceux, assez limités, du grand port de l'anguille. Le gouverneur avait en effet obtenu du premier magistrat de la ville que des poursuites pour tentative de meurtre soient engagées contre Bastien. Un tribunal l'aurait alors condamné vite fait bien fait à finir ses jours dans les mines des Pâles Soeurs. En bref, ses études de médecine s'en seraient retrouvées brutalement interrompues.
Avec l'aide de Seing, Bastien avait réussi à se faire embaucher comme soigneur à bord d'un galion mettant les voiles pour la lointaine Lustrianie. Tout ce qu'il connaissait de ce continent était lié aux plantes que l'on pouvait y trouver. Bastien serait de toute façon allé n'importe où pour échapper aux mines des Pâles Soeurs, alors autant aller le plus loin possible.
Au cours du voyage, Bastien avait sympathisé avec le Coq du bord. Ses dons culinaires n'étaient dépassés que par ses talents de raconteur et Bastien devint vite fasciné par la légende de la source d'éternelle richesse, source mythique cachée dans la jungle lustrianaise où coulerait de l'or liquide.
Une fois en Lustrianie, Bastien mit fin à son engagement à bord du galion et se mit en quête de toutes informations sur la source, comme tant d'autres l'avaient fait avant lui. La chance lui avait souri dans la petite ville-comptoir de Yezudo. Lieu du culte d'Ulric sur la côte lustrianaise, Yezudo se remettait lentement de la domination sanglante d'un culte animal qui avait renversé celui d'Ulric quelques mois auparavant. Tout était rentré dans l'ordre et les voyageurs commençaient à retourner à Yezudo.
Dans la taverne des docks, Bastien avait fait la connaissance de Morfred Nüger, tue-croco à la retraite, Nüger lui avait raconté avoir discuté avec un marin, ancien membre de l'équipage du grand Colombus Caravelle, qui savait où se trouvait la source d'éternelle richesse. Nüger n'en avait encore parlé à personne de peur d'être escroqué, mais il avait déclaré à Bastien qu'il lui faisait totalement confiance. Les deux hommes s'étaient donc mis d'accord: Bastien retrouvait la source grâce aux indications de Nüger et ils partageaient tous deux ses richesses.
Bastien n'eut pas de mal à engager trois Sans-Retour pour lui servir d'escorte dans la jungle: la récompense était alléchante. Nüger déclina l'offre de Bastien de l'accompagner en raison de son âge. Suivant les indications de Nüger, Bastien et ses trois comparses se rendirent jusqu'à Rasillian et s'enfoncèrent ensuite dans la jungle direction plein Ouest, à la recherche d'un promontoire rocheux en forme d'enclume retournée. Les quatre hommes avaient repéré le promontoire lors de leur troisième jour de marche. C'est alors que l'épaisse végétation avait vomi des dizaines de pygmées qui s'étaient lancés à leur poursuite.
Bastien sentit la lance lui effleurer le crâne; les pygmées arrivaient sur lui. Si près du but! Le promontoire rocheux indiqué par Nüger semblait si proche, et où était le promontoire était la source. Les trois compagnons Sans-Retour de Bastien étaient déjà tombés sous les lances et les fléchettes empoisonnées des petits hommes de la jungle, et il ne tarderait pas à partager leur sort, à moins que...
Il y était ! Bastien mit le pied sur le bas du promontoire et commença à l'escalader comme un fou-furieux. Le souffle court, il ne s'arrêta même pas pour jeter un coup d'oeil sur les pygmées. Il aurait pu les voir stopper leur course au pied du promontoire puis repartir dans la jungle comme s'ils avaient atteint les limites de leur territoire. En haut du promontoire, Bastien ne tarda pas à découvrir le trou décrit par Nüger et s'y glissa hâtivement. Il aboutit dans un boyau étroit s'enfonçant dans les profondeurs de la terre. D'abord guidé par la lumière du soleil qui pénétrait dans le boyau par l'ouverture au sommet du promontoire, Bastien se retrouva vite plongé dans les ténèbres. Il avançait à tâtons et sentait le sol en pente sous ses pas. Si le récit du marin de Colombus Caravelle était correct, il menait à la source d'éternelle richesse.
Une odeur bizarre prit d'assaut les narines de Bastien, mais n'y voyant rien, il ne pouvait en deviner l'origine. Si seulement il n'avait pas laissé tomber son sac à dos durant la course pour échapper aux pygmées... Ou mieux! Si seulement il était elfe ou nain, et donc capable de voir dans l'obscurité... Bastien commençait à douter: le boyau ne semblait toujours pas devoir toucher à sa fin. Et si cette descente le menait directement dans le Royaume de Mórr, que l'on disait enfoui dans les profondeurs de la terre ? Il allait rebrousser chemin quand une faible lumière attira son oeil à l'autre bout du boyau. UNE LUMIÈRE DORÉE.
Les yeux écarquillés, Bastien parcourut rapidement la distance qui le séparait de la lumière et aboutit dans une grande caverne au centre de laquelle resplendissait une source d'eau couleur or. Bastien tomba à genou au bord de l'eau, il l'avait trouvé! Lui, Bastien Madret, estudiant-aventurier bretonnien, avait découvert la légendaire source d'éternelle richesse !
Ses yeux furent bientôt inondés de larmes de joie: une nouvelle existence s'offrait à lui. Bastien se souvint tout à coup que son ami Coq lui avait raconté que la source possédait de nombreux pouvoirs, et que par exemple, absorber de son eau dorée restaurait la santé du buveur. Voilà ce qu'il lui fallait; il plongea les deux mains dans la source et but son eau à grandes gorgées.
Semblable à l'odeur, le goût était étrange mais pas désagréable. Sans qu'il ne sache vraiment pourquoi, Bastien fut soudain persuadé de reconnaître l'odeur. Une douleur fulgurante lui frappa alors l'estomac et il tomba à genoux sur le sol rocheux. Telle la peste dans Mousillon, la souffrance gagna vite tout le reste de son corps. Elle devint bientôt insupportable et les ténèbres engloutirent Bastien Madret. Dans sa dernière pensée consciente, il reconnu l'odeur: c'était celle de la 'Vegeta Terriblis", plante de Lustrianie dont l'ingestion des sucs entraîne une mort rapide mais très douloureuse.
Une créature sortie lentement de l'ombre, de l'autre côté de la caverne illuminée de lumière dorée, et s'approcha du corps figé du jeune bretonnien. Ses yeux de slann savaient reconnaître la mort et rassuré quant à l'efficacité du poison, l'être au profil batracien saisit l'humain par les pieds et le traîna vers un autre boyau dissimulé dans un recoin de la caverne. Depuis qu'il avait imaginé cet accord avec l'humain nommé Niiger, Saaltek le slann disposait d'une réserve inépuisable de corps d'êtres humains en bon état que ses congénères sorciers de Mazdamunlek s'arrachaient a un bon prix. Oui, pour lui cette source était vraiment celle de l'éternelle richesse. »