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La paix vient en mourrant

Source : Création Personnelle, proposé par Wild Ante.

« Il était maintenant bien tard. Le soleil s'était couché depuis bientôt deux heures sur la grande ville de Middenheim. La lune, resplandissante en cette saison de Sommerzeit, était cachée par de gros nuages, annonciateur de prochaines intempéries. La brise était légère, raffraichissant les quartiers de la ville fortifiée. La nuit était d'un noir d'encre, profonde. Depuis les quartiers cossus, on pouvait entendre malgré tout des bruits venant des bas fonds, de fêtes, de petites émeutes, et autres jeunes filles abusées.
Ce relatif tumulte perceptible dans ces quartiers, ainsi que l'obscurité profonde dans laquelle étaient plongés ces derniers n'étaient pas pour déplaire à Friedrich, Jörg, Ulrich et Sven, voleurs, réputés dans leur branche. Ils étaient tous jeunes, experts, fins bretteurs, issus des plus bas fonds du fond des plus obscures salles où s'entraînent les armées de voleurs de Middenheim. Dans leur enfance, ils avaient été recueillis séparément, puis, chacun réussissant à exceller de son côté, ils furent réunis en un groupe d'experts, au service d'un ordre obscur de voleur : les Milles.
Ce soir là, Friedrich, chef du commando, avait reçu pour cible un riche maison du quartier cossu. Son supérieur direct lui avait indiqué les plans de la maison, les accès, les tours de gardes. Jusque là, Friedrich ne voyait pas la difficulté. Mais, en avançant dans l'organisation du plan, il se dit que l'affaire était plus qu'étrange. En effet, il lui avait été demandé de tuer tous les habitants de la maison, puis de récupérer une statuette dans un coffre dont la clé lui avait été donnée. Friedrich compris mal l'intérêt de la mission, mais, en bon soldat de l'ombre, en loyal voleur, il obéit, prépara ses hommes, et parti pour la demeure. Il apprit que l'homme qui la possédait était un éminant historien, chercheur, et qu'il vivait seul. La tâche était simple. Trop simple.
Avant de pénétrer dans la cour, Friedrich hésita, puis s'arrêta un moment, songeur. Il n'avait pas fait part de ses doutes à ses hommes, pour ne pas les détourner de leur tâche.
"Eh Friedrich, y a un truc qui va pas ?
-Non Ulrich, je me posais juste des petites questions comme ça, pour perfectionner le tout.
-Mais y a rien à se demander, la tâche est trop simple, on entre, on tue, et on se barre, puis voilà. Y a juste ce rendez-vous hors de la ville qui est étrange, mais ça doit être pour faire sortir la statue de la ville en sûreté, et il leur fallait des gars comme nous."
C'était précisément ce rendez-vous qui avait encore plus alerté Friedrich. En effet, du commando, il était le plus érudit, et il savait que, hors de la ville, s'étendait la Darkswald, impénétrable, pleine de danger, même pour des hommes aussi expérimentés que les siens. Il savait aussi que, lorsque l'on monte une telle opération, et ce pour brouiller les pistes, on utilise plusieurs groupes. Tout cela fit que Friedrich n'était pas tranquille.
Il décida tout de même de pénétrer le jardin, décidé à voir de quoi il en retournait :
"En avant les gars, allons montrer aux Milles qui nous sommes.".

Friedrich entra dans le jardin, suivit, dans le plus grand silence et la plus grande agilité, de ses trois hommes, tous la main sur leur couteaux, au cas où quelqu'informateur aurait prévenu les habitants de la résidence. Mais il n'en fut rien. La maison se dressait devant eux, semblant être titanesque, malgré ses deux étages, semblant être l'abri de l'horreur et de l'indicible, malgré sa couleur blanche dûe à la chaux qui recouvrait tous les murs, et aux escaliers de marbre. Le jardin prenait l'allure d'un cimetierre où se terraient les démons, alors qu'il était bordé de roses, avec de petites mares, une terrasse. Mais seul Frierdrich semblait s'être arrêté sur ces détails, puisqu'il s'aperçut que ses hommes, qui s'étaient déjà postés tout le long de la façade, n'attendaient que ses ordres pour agir au nom de l'ombre.
Friedrich couru vers la porte d'entrée, et leva le bras, faisant signe aux autres de pénétrer dans la maison. Sven ouvrit la porte en un éclair, et Friedrich, Ulrich et Jörg rentrèrent, directement suivis de Sven, qui referma derrière lui. Soudain, les quatre furent pris par une vague de terreur dès qu'ils furent entrés. Rien ne pu justifier cela, car la maison semblait calme. Ils étaient entrés au salon, qui comportait de nombreux rayonnages, et qui formait une seule et même pièce avec la bibliothèque, plongé dans le noir, mais ce n'était sûrement pas ce qui avait bien pu effrayer des voleurs expérimentés tels que eux. C'était une impression, l'impression que dégageait le parfait rangement de la pièce, les volumes aux écritures étranges, aux titres effrayants.
Mais Friedrich, comme sentant que ses compagnons aussi avait eut un coup de sang, repris ses esprits :
"On a un travail".
Le groupe s'agita, et se mis en marche, Friedrich à la tête, suivi de ses trois acolytes. Tous avaient sortis leurs couteaux, s'attendant à réceptionner n'importe quel ennemi. A y réfléchir, c'était idiot. Une maison avec un seul habitant, un vieil historien, remplie de statuettes et de livres. Et pourtant, les hommes avaient une peur inexplicable, qui les prenait à la gorge. Ils montèrent au premier étage. Ils se trouvèrent face à un couloir. Il semblait infini, et pourtant la maison n'était pas d'une grande superficie. Mais ce couloir semblait marquer un vide, un néant, comme si des forces obscures en avaient fait leur porte pour passer dans ce monde. Pourtant, malgré la peur qui le faisait presque s'évanouir, Friedrich s'engagea, et pris la porte sur sa droite, ne cessant de regarder le fond du couloir, fond qu'il n'apercevait pas, tandis que Ulrich était juste derrière lui, fixant aussi le même endroit. Sven et Jörg étaient postés dans les escaliers, sur les marches. Le premier "surveillait" le couloir, quand au second, il avait les yeux rivés sur le bas des escaliers, au rez-de-chaussée. Dans leur posture, les deux donnaient l'impression d'être assaillis de toute part. C'est ce qui leur semblait imminent. Ils sursautèrent quand ils virent Friedrich et Ulrich ressortir de la chambre, la dague du premier ensanglanté.
"Pour lui c'est bon, maintenant la statuette."
Le groupe monta au second, toujours sur ses gardes. Le second étage était une grande salle, remplie de nombreux instruments de chimie, de craies cassées, de parchemins noircis d'écritures terrifiantes, de sombres dessins. Le groupe évita de poser ses yeux dessus. Il avançait, le plus prudemment du monde, vers la porte du fond. Ulrich et Sven se mirent chacun d'un côté de la porte, que Friedrich crocheta, d'une rapidité trahissant un stress et une grande peur. Jörg couvrait leurs arrières, comme s'attendant à voir bondir une terrible menace.
Friedrich pénétra dans une petite pièce, où se tenait en son centre un petite table, avec, dessus, une statuette. Il resta là un temps, qui lui sembla infini, à contempler la statuette, dont il n'arrivait à comprendre ni le sens, ni la forme, ni le matériau. Fasciné et à la fois horrifié, il mis la pièce dans un tissu, qu'il mis dans le sac à dos que portait Jörg.
"Allons y, c'est fini"
Le petit groupe se hâta de dévaler les escaliers, en silence, continuant à scruter les ombres, ombres qu'ils avaient tant aimées, et que, ce soir, ils redoutaient et craignaient comme l'antre des démons.

Fredrich se glissa hors du jardin démoniaque, passant par dessus le mur. Arrivé au dehors, dans le quartier cossu, il prit une respiration, après que lui et ses compagnons eurent affronté l'enfer, avec ses démons riant dans le noir. Il prit le temps de réfléchir à la suite du plan, suite qui ne lui disait rien qui vaille. Ses compagnons avaient l'air eux aussi de reprendre leurs émotions, même si chacun d'eux faisait bien attention à ne pas trop trahir ses sentiments : aucune faiblesse n'est permise dans une guilde de l'ombre, même entre "amis".
"Bon Friedrich, on rentre au bercail maintenant ?
-Non Sven, on doit encore prendre notre rendez-vous dans la Darsw... en dehors des murs.
-Oui mais il est à quel niveau ? Qu'on n'ait pas à aller à l'autre bout de la ville.
-Hum... eh bien il est en fait juste à notre niveau. Suivez moi.
-Et pour traverser la fosse ? C'est impossible. Tu sais comment faire.
-(pour lui même) Non.(aux autres) Suivez moi, tout ira b... tout ira."
Le groupe se mit en route, dans le noir profond de la ville, toujours sur ses gardes, comme à l'accoutumer, afin d'éviter ou de neutraliser les gardes qui faisaient des rondes la nuit. Mais Friedrich remarqua, au fur et à mesure de leur progression, un élément frappant : aucun garde nul part. Les ombres étaient partout. La cité entière semblait dormir, prête à bondir sur les quatre hommes, comme un démon endormi. Le tumulte qui lui avait permis, à lui et à ses hommes, de pénétrer le quartier cossu sans problème avait cessé, faisant place à un silence infernal, assourdissant. Il sentait sur lui le regard des ténèbres. Les seules lumières qu'il pouvait apercevoir étaient les salles des gardes, du haut des remparts, comme des êtres supérieurs laissant la vermine s'entre-dévorer dans la pénombre. Friedrich n'était pas calme. Mais il s'appuya sur l'apparent calme de ses compagnons, et continua sa route.
Il s'arrêta, au pied d'une des tours de la fortification de la cité.
"C'est ici."
La tour n'était éclairée à aucun étage, sauf à son point culminant, au niveau du chemin de ronde, dans une salle de gardes. Il put à peine entendre les gardes. Ils parlaient doucement, comme pour ne pas réveiller une quelconque menace. Point de bière, point de beuverie, comme il est courant chez les gardes. Leur discussion s'apparentait à des prières de suppliciés.
Friedrich entreprit d'ouvrir la porte. Ses compagnons étaient sur leur aguets. Mais, alors même qu'il effleurait la lourde porte pour commencer son opération, cette dernière s'ouvrit d'elle même, laissant sortir un vent glacial. Friedrich, bien qu'essayant de rester calme, ne pouvait se résoudre à croire que ce vent venait du haut des remparts, s'engouffrant dans la tour. Il entreprit donc de renter. Mais la pièce était noir. Non pas plongée dans l'obscurité, mais noire. Friedrich, qui flirtait avec les ombres depuis sa maudite enfance ne put rien voir. La pièce était pourtant petite d'après le plan, n'étant qu'une pièce de deux mètres sur deux, avec un escalier. Mais Friedrich ne parvenait pas à en distinguer le fond. Il pénétra tout de même dans la salle, mais, pour la première fois de sa vie, il ferma les yeux en rentrant, comme pour ne pas voir la mort ou quelque autre démon en face. Rien ne se passa. Ses compagnons le suivirent, apparemment tout aussi apeurés que lui. Friedrich chercha l'escalier à tâtons.
"Jörg, passe moi une des torches de ton sac, qu'on puisse y voir un minimum. Jörg magne ! Jörg !
-J'ai l'impression qu'il est parti Fried'. Il a dû prendre peur.
-Hein ? Mais peur de quoi ?
-Ben euh de... euh non ben je sais pas.
-On va faire un rapport en rentrant, il va se faire massacrer. Il a laissé son sac ?
-Ouais."
Friedrich alluma une petite torche, permettant tout juste d'apercevoir la salle plongée dans le noir, vide, avec l'escalier au fond. Le groupe, maintenant réduit à trois, commença l'ascension de l'escalier, l'ascension de cette haute tour, qui, malgré sa formidable hauteur, n'avait que deux paliers.
Arrivé au premier palier, le groupe découvrit une grande salle, avec une table et des couverts, des chaises. C'était apparemment la première salle des gardes, à y voir les armes rangées sur les côtés. Mais pourtant, il n'y avait là aucun garde, personne, pas un rat, juste le vent glacial qui soufflait, venant des escaliers menant au sommet.
"On continue.
-Attend Fried', y a peut être de l'argent dans leurs affaires.
-Non, on traîne pas"
Le groupe avança, puis soudain s'arrêta, et chacun des trois hommes se prépara au combat. Des bruits de pas se faisaient entendre derrière une porte. C'était la porte du couloir qui menait à une autre tour en passant à l'intérieur de la muraille. Les pas se rapprochèrent, puis s'arrêtèrent, juste derrière la porte. Les trois hommes, habitués à travailler ensemble, et ce malgré l'absence de Jörg, se rapprochèrent de la porte, simultanément. Sven ouvrit cette dernière, et, en un éclair, Friedrich bondit dans le couloir, assénant un coup de couteau au niveau de la tête. Il senti un choc à son poignet : son couteau frappa le mur. Il n'y avait rien. Friedrich fut pris de terreur en voyant le boyau continuer au loin dans les ténèbres. Il sorti du couloir et ferma la porte.
"C'était un rat."
Ses compagnons semblant tout aussi inquiets, n'essayèrent pas de le contester.
Le groupe entreprit l'ascension de l'escalier, menant au sommet. La salle qu'ils découvrirent était fortement éclairée, et quatre gardes y parlaient doucement, murmurant aux démons du vent. L'assaut des trois hommes, bien qu'en sous nombre, fut éclair, précis, net. Friedrich fut presque rassuré à la vue du sang qui giclait de la gorge du sergent dont il s'était occupé. Rassuré de voir des humains, morts, avec un sang rouge, comme s'il avait soupçonné qu'ils furent des démons, riant en dévorant leurs cervelles.
"Voilà, pour eux c'est fait, mais prenez garde, il en reste peut être le long des murailles. Suivez moi, c'est pas là."
Friedrich pris le chemin de ronde. Mais il s'arrêta avant de sortir de la salle de garde. Dans une société secrète, les ponts sont coupés, et les membres d'un groupe ne connaissent pas les membres d'autres groupes. Mais Friedrich, en maître de commando, connaissait certains autres chefs. Aussi il fut franchement inquiet en constatant que le sergent des gardes n'était autre qu'un des chefs d'un groupe de petite classe. Il préféra ne rien en dire à ses compagnons.
"C'est là !"
Les hommes du groupe purent distinguer clairement trois deltaplanes, leur permettant d'aller vers la forêt, à leur point de rendez-vous.
"En avant."
Chacun prit le sien, volant au dessus du fossé, planant vers la forêt, que Friedrich savait maudite. Cependant, peut être en quête de quiétude, il jeta un dernier coup d'oeil sur la cité, se disant qu'il était sorti de l'enfer pour un moment. Mais il aperçu, sur les remparts, une chose étrange : un homme était pendu portant les vêtements typiques des voleurs, sans cagoule. Même à une certaine distance, pris par l'effroi, Friedrich sembla reconnaître l'homme : c'était Jörg.

Le vent glacé n'agressait pas Friedrich, il était bien trop préoccupé, et ne comprenant toujours pas cette accumulation d'évènements pour se sentir geler. Au contraire, l'air lui rappelait que là, en ce moment, il était à l'abri de toute sorte de monstres. Mais il savait qu'il devait commencer à descendre vers la Darswald, vers la forêt tant redoutée. A voir son horrible noirceur, à imaginer l'engeance chaotique qu'elle devait produire, Friedrich se dit que, là, maintenant, il pourrait fuir tout, fuir Middenheim, fuir sa vie dans l'ombre, et se faire une place quelque part, dans Altorf, où il avait des contacts, des amis même, chose insensée à Middenheim ; il pourrait même pousser plus loin, vers le soleil, vers des contrées où l'herbe pousse en toute tranquillité, là où le Chaos laisse encore un répit à la vie, où fleurissent les amours, où la bonté se propage comme une maladie que tout le monde souhaiterait.
Mais Sven le sorti de son rêve.
"BOSS ! Y a un truc pas net là !!"
En effet, Friedrich put apercevoir une ombre gigantesque, volant tout droit vers eux. C'en était trop, il ne pouvait pas faire face.
"On descend !"
Le groupe de deltaplanes piqua tout droit sur la forêt, dans une petite clairière. Mais, une fois le pied à terre, Friedrich senti milles regards démoniaques l'observer.
"On se tire d'ici, c'est trop exposé !
-Mais exposé à quoi ? C'est juste une forêt Fried', t'en fais pas, des coquelicots, des petits écureuils, rien de bien méchant.
-Ferme la et suis moi."
Friedrich couru, suivi de ses partenaires, vers la lisière de la forêt. Il était perdu, il ne savait pas où aller. Son plan était bien précis, mais cela ne suffisait pas, il n'avait aucun repère. Friedrich était un voleur urbain, non pas un brigand de grand chemin, ou un voleur de campagne. La mousse ne lui donnait aucun repère. Le silence de plomb, perturbé par quelques craquements de brindilles et de vent soufflant dans les arbres ne lui inspirait guère confiance. A regarder ses compagnons, ils ne semblaient pas aussi inquiets. Mais ils étaient ignorants.
"Bon Fried' on fait quoi alors ?
-Euh... bon, va dans la clairière et essaye de repérer la position de Middenheim, que je puisse me repérer sur la carte."
Ulrich eut un moment d'hésitation. Un sentiment semblait le traverser. Puis il se décida, jeta un bref coup d'oeil à la clairière, comme pour voir s'il n'y avait rien, si aucune "chose" pourrait lui nuire. Il se lança, se plaça au centre de la lisière, et parcouru les alentours du regard. Il put repérer facilement la position de Middenheim, et la donner à Friedrich, qui repéra le chemin à suivre.
"Allez, on y va."
A peine eut il fini sa phrase, que les arbres de l'autre côté de la lisière de mirent à bouger, et un cri, inhumain, monstrueux, terrifiant, se fit entendre, qui glaça les membres du groupe, mais Friedrich, habitué à contrôler son sang froid dans de telles conditions, se mis à courir.
"On se BAAAAAAAAAAAAAAAAARRE !!!"
Il tourna la tête, voyant que Sven le suivait, et que Ulrich avait déguerpi, mais dans le mauvais sens. Friedrich put légèrement apercevoir une chose, monstrueuse, hors de tout ce qu'il avait put voir dans les livres anciens, plus que Chaotique, démoniaque. Cette horrible vision le fit courir bien plus vite encore. Mais, au bout de cinq minutes, il put entendre un cri, inhumain, horrible, déchirant : Ulrich s'était fait rattrapé par la "chose". Friedrich s'arrêta, Sven s'arrêta, près de lui, paré à courir à toute éventualité.
"Pour lui c'est foutu Sven...
-Bordel mais c'est quoi cette histoire Fried' ?? J'veux pas finir comme Ulrich, j'veux pas finir... bouffé ou arraché, ou j'sais pas quoi ! MERDE ! FOUTUE MERDE !
-Ta gueule ! Bon, on est plus loin du point de rendez-vous, alors par là, et on se presse, le monst... la créat... enfin le......... "ça" a dû perdre notre trace, mais faut pas qu'on traîne."
Les deux hommes, encore sous le choc, malgré leur grande expérience de la mort, coururent, et arrivèrent, enfin, devant une bâtisse de pierre. Elle leur semblait être un réconfort. Depuis le début de la nuit, c'était le seul bâtiment qui leur semblait accueillant. Il était énorme, primaire. Il semblait être un vestige de civilisations anciennes, seul souvenir d'une société en accord avec la nature, protégée du Chaos. Une seule entrée.
"On y va."
Friedrich emboîta le pas, rapidement suivi de Sven. L'intérieur de la bâtisse était, bien entendu, noir. Friedrich sorti une torche du sac qu'il avait récupéré quand Jörg avait disparu, dans le hall de la tour. Il put alors distinguer nettement les contours de la salle. Elle était, malgré son aspect extérieur primaire, dallée de marbre, avec des voûtes magnifiques, mais simples et grossières. Il n'y avait qu'un tombeau au centre. A première vue, Friedrich était un peu perdu, il ne savait que faire.
"Et maintenant ?
-Attend Sven, je ne comprends pas. On devrait avoir quelqu'un normalement...
-Putain, ça j'en était sûr !! On sentait le coup foireux à deux cent lieues ! Raaah, j'enrage, c'est pas possible. Mais qu'est ce qu'on va faire. "ça" va bientôt se rapprocher, et on est là, comme des rats.
-Attend. Y a bien un moyen. Mais je vois pas. Bon Sven t'en dis quoi ? On sort ? Sven ?"
Friedrich bondit en se retournant, le couteau à la main, prêt à tuer. Il ne distinguait rien. Mais, levant les yeux, il aperçu Sven, pendu. Tout s'effondra, il ne comprenait plus rien à rien. Mais, décidé à ne pas mourir ce soir, il se mit à s'agiter, à inspecter rapidement la salle, un oeil sur l'entrée, un oeil sur le corps de Sven. Puis il entreprit d'ouvrir le tombeau. Après de longues minutes, stressantes, terrifiantes, de part leur silence, et la constance de Friedrich à garder un oeil sur tout, le couvercle du tombeau fini par s'effondrer sur le côté. Friedrich n'en revenait pas. Un escalier semblait mener au tréfonds de ce monde, là où seul le Chaos règne, où rien n'est explicable. Mais c'était alors la seule issue qui s'offrait à lui : l'enfer apparent ou la mort certaine. Friedrich était, cette nuit, un ange, descendu dans les tréfonds de la nuit, les abîmes du monde...

Friedrich parcourait un couloir obscur depuis bientôt une demi heure. Le boyau ne faisait environ qu'un mètre de large, et deux petits mètres de hauteur. De temps à autre, apparaissait un renfoncement dans le mur, avec un support en métal pour mettre des torches, et où se trouvaient des torches encore non-utilisées. Cela était tant mieux car celles de Friedrich étaient épuisées. De plus, l'air était étouffant, du fait de la chaleur émise par les torches. Friedrich entendait parfois un sourd grondement, qui semblait venir des entrailles de la terre. Cela avait pour effet de créer un doute profond dans l'esprit de Friedrich : continuer, et tomber sur une terreur inconnue, ou retourner sur ses pas, dans la sombre tanière des démons, la forêt. Mais Friedrich, poussé par un désir de vengeance - même s'il avait toujours pensé que ses compagnons n'étaient que des subordonnés sans intérêt - et une curiosité malsaine, dûe à tout ce qu'il avait vu depuis le début de la nuit, continuait toujours à s'enfoncer plus profondément dans les entrailles de ce maudit monde. Il ne pouvait dire réellement où il se dirigeait, mais cela n'avait plus d'importance.
Il arriva à un autre renfoncement, mais découvrit qu'il n'y avait plus de torches vierges. Il commença à douter de ce qu'il devait faire. Mais il continua son chemin, tout en accélérant, espérant arriver au prochain renfoncement avant que sa torche ne s'éteigne. Au suivant non plus il n'y avait plus de torches. Friedrich était désespéré. Bientôt, il fut dans le noir le plus complet. Il tâcha de garder sa direction, avant toujours plus rapidement, presque en courant, la main sur les murs, pour ne pas manquer le prochain renfoncement. Mais au suivant, après avoir cherché un moment à tâtons, il n'y avait pas non plus de torches. Friedrich était perdu, il le sentait. Mais il lui fallait continuer, même dans le noir. Mais, associé au silence, la pénombre ne lui faisait guère confiance. Les grondements semblaient être tout proches.
Au bout d'une autre demi heure, passée dans le noir le plus complet, en marchant à vive allure, les mains écorchées à force des les faire glisser le long du mur avec force, comme pour faire apparaître enfin un renfoncement, en vain, Friedrich perçu une lueur qui lui semblait proche. Il reprit espoir, retirant ses mains du mur, et courant. Arrivé à une centaine de mètres de ce qui semblait être une salle, il ralentit, pris son couteau, et avança plus lentement, se préparant à recevoir tout agresseur.
La salle semblait vide de tout être vivant. Mais elle était pourtant éclairée. Il y avait, au centre, une grande table, avec une dizaine de chaises. Une porte au fond. Friedrich se mit à l'écoute de ce qui pouvait bien y avoir derrière la porte. N'entendant rien de réellement suspect, il la crocheta, rapidement, et entra, en un éclair, prêt à trancher tout ce qui pourrait y avoir. Cette salle était aussi éclairée. C'était une grande bibliothèque, avec de nombreux rayonnages. Les livres étaient dans des langages inconnus de Friedrich, mais leur seule prononciation le faisait frémir. Il put reconnaître certains livres maudits de chez l'historien qu'il avait assassiné. C'était à n'y rien comprendre. Friedrich pensa que la personne à qui il devait remettre la statue était peut être elle aussi intéressée par les mêmes sujets que l'historien, mais qu'elle avait les moyens de se payer les services d'un ordre tel que les Milles. Et pourtant, Friedrich n'expliquait pas certains détails. Il alla au fond de la bibliothèque, et pris la porte qu'il y trouva. Il y avait à nouveau un couloir sombre, au fond duquel on pouvait percevoir une lumière rougeoyante. Les grondements semblaient venir de là bas. Friedrich, pensant enfin toucher à sa fin, s'y précipita. Approchant, il put entendre un espèce de tumulte, de flot de paroles, de prières, de sombres rituels, que nul ne devrait entendre, trop horribles pour être écoutés, trop ignobles pour être prononcés.
Friedrich n'en revint pas. Il se trouvait face à une immense salle, aux dimensions titanesques, qui faisait peut être plus d'une centaine de mètres de hauteur. La salle formait un cercle de plus de deux cents mètres de diamètre. Tout le long, des escaliers menaient à de sombres couloirs, comme celui où il se trouvait en ce moment. Dans la salle, des centaines d'êtres, peut être un millier, de toutes races, des monstres, des hommes-bêtes, des humains, des elfes d'un pâleur peu commune, des nains aux yeux rougeoyants. Ils formaient tous un cercle autour du centre exact de la pièce. Au centre, des flots de lave jaillissaient, émettant de sourds grondements. Tout ce spectacle terrifia Friedrich, qui resta sur place, immobile, sclérosé.
"Ce sont les Milles."
Friedrich se senti balayé, mis à terre. Son couteau avait été dégagé de sa main par un coup de pied. Il avait ce même pied sur le torse, l'écrasant, l'empêchant de bouger. Un homme, relativement grand, l'allure sombre, malgré ses cheveux blonds, se tenait au dessus de lui, une épée à la main sur la gorge de Friedrich. Son pied retenait Friedrich. Le voleur senti une aura de Bien Suprême, de sagesse, émaner de l'homme. Ceci était bien paradoxale en un endroit aussi maudit. Tout cela ne lui disait rien qui vaille.
"Merci pour la pierre, la paix soit avec toi."
Friedrich senti la pointe de l'épée pénétrer sa gorge. Il senti une vive douleur, et mourut.
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