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Le Cycle des Destinées: Livre V - Tome IV

Source : Mondes Persistants - par Iodrigar Iavas, proposé par Imrahil.

« "Le Livre des Morts! s'écria Morga. L'un des neuf Livres de Nagash!"

Un brusque courant d'air glacé balaya la salle. Tout le monde se tourna vers Zauberkünstler, s'attendant à voir le cristal d'air en fonctionnement. Il n'en était rien. Karl se tenait sur le qui-vive, une torche dans une main, et l'autre sur la garde de son épée.



Umbert remit précipitamment le livre sur son emplacement.

"Dis-moi Umbert, demanda Eldilad. Qu'est-ce que t'as réveillé?"

Une voix lascive, lointaine, irréelle se fit alors entendre.

"Les défenses du tumulus!" répondit Valdrigar.

Une autre plainte résonna dans le complexe souterrain, beaucoup plus proche cette fois-ci. Puis ce fut une série de grondements sourds, de bruits de terre retournée, suivis de rires, de cris , de monologues et de lithanies dont les sources se perdaient dans l'éther, prononcés par des voix d'outre tombe, tourmentées par des années de vile servitude, d'esclavage innommable, proscrit par les Dieux des morts eux-même.

Karl retourna jusqu'à la porte. Un bref coup d'œil lui révéla l'origine d'une partie de la cacophonie qu'il venait d'entendre: émergeant de quatre trous fraîchement creusés, quatre squelettes blanchâtres se dressaient péniblement dans le couloir, épée souillée au poing, lueur maladive au plus profond des orbites. Aux yeux de Morina, l'origine des voix étranges prit tout son sens lorsqu'elle vit plusieurs silhouettes bleutées semi transparentes s'approcher depuis le fond du corridor.

"Des spectres! s'écria-t-elle. Il en arrive de partout!

Le chef des elfes noirs se mit en garde, prêt à voir surgir de n'importe quel point d'ombre une nuée d'esprits torturés.

"Inutile, déclara Morga au bord de la panique. Les spectres ne craignent que la magie!"

_Umbert, tire nous de ce coup là! cria Eldilad par dessus les échos des esprits. T'es sensé être nécromant, non?"

Umbert n'avait pas encore plongé sa main dans la sacoche de cuir qui renfermait ses composants de sorts qu'Eldilad et Valdrigar luttaient déjà contre les premiers squelettes de l'antre. Les spectres, quant à eux, étaient presque dans la salle. Enfin, Umbert mit la main sur l'ingrédient recherché: la main desséchée d'un démoniste.

"Voilà qui devrait les rappeler dans leur plan d'origine!"

Malgré le tumulte des combats et des cris désincarnés qui l'environnaient, Umbert s'assit en tailleur. Il entama alors une incantation tout en dessinant dans l'air des symboles cabalistiques aux formes agressives. Ses mains irradièrent rapidement une lueur blême. Il écarta les bras violemment. Il y eut une déflagration à peine audible, et la lumière se dispersa dans tous le tumulus en une vague bleuté, cernant les morts, ignorant les vivants, comme sous l'emprise d'une volonté indépendante et surnaturelle.

Umbert dut constater avec horreur que seulement deux squelettes venaient de s'écrouler. Les autres morts avaient purement et simplement résisté à l'attaque magique.

Les spectres avançaient toujours.

"C'est pas possible... ce...c'était... c'était mon sortilège... le plus puissant..."

Après s'être rendu compte des limites du pouvoir d'Umbert, Karl marqua deux pas vers l'arrière pour se mettre hors de portée des assaillants. Les drapés de sa cape lui donnaient un aspect austère et impérial. Il rengaina son épée en un geste confiant. Il se recueillit un court instant puis joint ses mains en signe de prière tout en tenant son bâton de culte. Celui-ci se mit à briller légèrement.

"Oh non, le fou! s'écria Morga. Il invoque la puissance de Tzeentch!!

- Quoi?! Karl, non!! c'est trop dangereux!" hurla Umbert qui se reprenait.

Karl se mit à marmonner en langue noire, le dialecte des démonistes. Au dessus du tumulus, le tonnerre gronda. Les paroles de Karl montèrent en intensité. Le sceptre se mit à vibrer. Sa lueur maladive devint une lumière éclatante, de laquelle émergeait une multitude de silhouettes spectrales qui tournoyaient dans la salle en une terrible danse macabre, les unes répétant, mots après mots, phrases après phrases, les incantations de Karl, et les autres changeant de rythme, criant des paroles interdites;comme le chœur impie d'un cortège dantesque.

Et elles lui offrirent le Savoir.

Surchargé de puissance, Karl fouetta l'air de son sceptre. Umbert et Morga, qui avaient assisté à la scène, se jetèrent sur le sol les mains sur la tête alors qu'une onde de choc sourde balaya l'ensemble de l'antre de Kemmler. L'intensité du sort frappa les elfes de plein fouet. Le souffle les renversa comme de simples fétus de paille, les projetant sur les murs avec une violence inouïe, terrifiante. Inexorablement, les uns après les autres, les spectres, les squelettes et les zombies du tumulus furent pulvérisés ou disparurent en des cris stridents ou étranglés, à la limite du tolérable.



* * *



Le sort avait soufflé les torches. D'un simple mot, Karl ralluma la sienne.

Les défenses du tumulus avaient disparu. Le silence de mort qui venait de s'abattre sur le domaine de Kemmler n'était perturbé que par quelques quintes de toux spasmodiques provoquées par la puissance de la décharge magique.

Umbert et les elfes noirs se relevèrent péniblement, abasourdis par ce qu'il venait de se produire. Il n'y eut aucune question. Aucun commentaire. Dans le regard de chacun se lisait la crainte de leur leader, la peur d'éveiller sa colère, ou de le décevoir.

La majeure partie du mobilier du laboratoire n'avait en aucune manière été dérangé. Lors de la déflagration, une partie du matériel de recherche avait été détruit, mais le plus important était récupérable. Et puis... le Liber Mortis était toujours là.

Umbert épousseta brièvement ses vêtements avant de s'approcher du grimoire. Après une courte hésitation, il s'en saisit.

Tout le monde retint son souffle, à part peut-être Karl. Rien ne se passa. Les défenses du tumulus étaient bel et bien anéanties.

"Nous avons les sorts, loué soit Tzeentch! s'écria Morga. A présent nous pouvons partir pour le Yetzin."

Magister Zauberlich ne lui portait aucune attention.

"Valdirgar, prends Wilhelm avec toi et partez pour Frügelhoffen, finit-il par dire. Prend cet argent et procure-nous un chariot."

Il lui lança une bourse de cuir.

"Morga, je veux un inventaire détaillé des possessions de Kemmler, reprit-il. Umbert, c'est à vous d'identifier les accessoires qui pourraient s'avérer utile pour les événements à venir. Morina et Eldilad se chargeront de les remonter à la surface. Je veux que nous soyons sur la route du Yetzin dès l'aube. Nous nous reposerons en route. Les Nurgle ne doivent pas être loin."

Les elfes noirs obtempérèrent sur le champ. Karl s'appétait à quitter les lieux lorsque Umbert demanda sur un ton impérieux:

"Et vous, Monseigneur? Peut-on savoir ce que vous ferez pendant tout ce temps?"

Karl s'arrêta net. Il se tourna pour faire face à son interlocuteur, sans un mot, les yeux blancs, vides de pupille (C'était une conséquence temporaire de l'appel de la puissance du cristal d'air). Umbert sut alors qu'il était allé trop loin. Il avait fait preuve d'insolence et trouva vite pour son salut -il en était persuadé- les mots pour se rattraper:

"... au cas où nous découvrions quelque chose d'important..."

Karl eut un sourire en coin.

" Je serai avec notre Seigneur. Si vous découvrez 'quelque chose d'important', Il me le dira."

Le quittant des yeux au dernier moment, Karl sortit du laboratoire de Heinrich Kemmler. Il remonta les escaliers de pierre usés pour émerger enfin hors du tumulus.

L'air était glacé. Les lunes baignaient la vallée de leurs lueurs diffuses. Valdrigar et Wilhelm était en route pour le village de Frügelhoffen. Sur une hauteur, Sirandile scrutait les environs alors que Lise et Eva gardaient paisiblement le camp. Le ciel laissait parfois paraître une ou deux étoiles. A l'ouest, par-delà les montagnes, un front nuageux impressionnant ne présageait rien de bon.

Le lendemain, il neigerait.
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