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Le Cycle des Destinées : Livre II

Source : Web - Mondes Persistants - par Iodrigar Iavas, proposé par Imrahil.

« Chapitre 1, 1ère partie.

Subotaï

Sigmarzeit, Angestag 21.
Sept mois plus tard.

"Essayez plutôt à Saltzenmund!", lança l'aubergiste de sa voix rauque.
Blutcher sortit de l'établissement sans se retourner. Sa détermination, entremêlée d'une haine toute particulière, se lisait sur son visage. Ils s'étaient avérés incapables de lui dire où elle vivait.
D'un pas pressé, il se dirigea vers les écuries. Il sortit deux pistoles de sa bourse, et les lança au garçon qui finissait de brosser son cheval.
Treize jours...
Treize jours de courses, de recherches. Treize jours d'acharnement et de privation. Treize jours qu'elle lui glissait entre les doigts. Cela ne pouvait durer plus longtemps.
Il prit son cheval par la bride et traversa les écuries, tout en se dirigeant vers la route.
Rudolf Blutcher était un répurgateur. L'unique but de sa vie était de traquer et d'exterminer toute forme de réminiscence chaotique: qu'il s'agisse d'adeptes, de démons ou de serviteurs. Bien plus que simple traqueur, les années passées sur les routes impériales l'avaient progressivement métamorphosé en un véritable prédateur: hantise de tout cultiste ayant eu vent de ses actes. Car lorsqu'il les trouvait, Blutcher ne se contentait pas d'exécuter les corrompus. Il savait aussi les interroger, et ceci sans aucune retenue.
En fait, Rudolf n'était autre qu'un fanatique Sigmarite qui ne vouait sa vie qu'à la lutte contre le chaos, et qui n'éprouvait de satisfaction que lorsque le bûcher d'un homme-bête était le centre d'une quelconque fête locale. Blutcher était fier, et chaque victime de son épée ne l'enorgueillissait que davantage.
Il faisait du chaos un affaire personnelle.
Plusieurs chevaux occupaient les loges, et les garçons d'écurie allaient et venaient, vaquant à leurs occupations.
"Olà!"
A demi dans l'ombre, le vieux mendiant qui venait de l'interpeller était assis à même le sol. Son crâne était entièrement rasé. De maigreur extrême, il portait une toge crasseuse en lambeaux, de laquelle pendaient plusieurs bibelots et autres symboles qui se voulaient mystiques. Il agitait frénétiquement quelque chose dans ses mains tout en psalmodiant dans une langue inconnue du répurgateur. Des dés, pensa t-il. Mais il en était tout autrement: de ses mains jaillirent des ossements. Le vieil homme venait de les jeter au milieu d'un cercle qu'il avait tracé à même le sol. Il fixa alors Blutcher.
"Tu trouveras!", lança-t-il d'une voix forte et stricte.
Rudolf, curieux, s'approcha du gueux. Celui-ci considéra les ossements à nouveau, l'air grave, puis redressa la tête.
"Elle est toute proche! cria-t-il d'un trait de sa voix sévère. Ta quête! Viens! Viens par ici!"
Le gueux lui faisait signe d'approcher, tout en marmonnant, interprétant les ossements.
"Qui es-tu?" demanda Blutcher.
Le vieil homme redressa la tête lentement, puis fixa Rudolf dans les yeux quelques secondes. En fait, et le répurgateur ne s'en rendait compte qu'à présent, le vieillard n'était pas aussi âgé qu'il en avait l'air.
"Une âme perdue! Répondit-il sur un ton théâtral et désespéré. Et toi aussi!
- Je suis Rudolf Blutcher, répurgateur au service du Grand Duc von Bildhofen du Middenland.
- Hmm... l'orgueil se lit dans tes paroles. Tu as foi en tes actes..."
Le mendiant se remit à marmonner inintelligiblement, sous un rythme qui se voulait mélodieux, et il se balançait tel un enfant. Les yeux fermés, il méditait.
Quelle sorte de fou est-ce là donc? , se demanda Blutcher.
"Tu ne m'as toujours pas dit quel était ton nom, gueux!
- Non pas était!!! Mais est! Je suis Subotaï, prédicateur! lança-t-il théâtralement. Dernier gardien des rites sacrés oubliés. Et j'ai l'art de converser tant avec les esprits de la nature qu'avec les âmes perdues des insondables limbes de l'oubli!
(Ses yeux fixaient Rudolf au plus profond).
- Ne serais tu pas druide? demanda alors le répurgateur.
- Mais... Bien sûr! s'offusqua Subotaï. Je suis l'un des plus fidèles serviteurs et adeptes de la Foi Antique. Je connais le langage des plantes, je te l'ai dit! Je voue mon existence au maintien des lieux sacrés, et pour me remercier, les Dieux m'ont fait don de l'art de la divination.
- Ce lieu n'a rien de sacré, remarqua Blutcher."
Le druide prit un air embarrassé et offensé. Avant que Subotaï ne fasse de remarque à son tour, Blutcher poursuivit:
"Art de la divination, dis-tu?" Rudolf avait tout vu le long de sa vie de longue errance, et même le plus incroyable.
Subotaï considéra le répurgateur avec la plus grande attention. Serein, Rudolf sortit une couronne d'or de sa poche et la lui montra. Le druide eut un léger sourire, un sourire reflettant respect et confiance.
Puis il saisit ses ossements.


Chapitre 1, 2ème partie.

Subotaï projeta ses ossements sur le sol poussiéreux, à l'intérieur du cercle, gémissant comme à son habitude. Il avait fermé les yeux, et oscillait la tête en accord avec le rythme de son chant. Rudolf ne se retint pas d'afficher un sourire des plus larges tout en ricanant ostensiblement. Puis soudainement, Subotaï arrêta son manège et dévisagea intensément le répurgateur de ses petits yeux noirs. Ce dernier, surpris, redonna à son visage un air sérieux et intrigué. D'un mouvement vif, le druide se mit à quatre pattes et s'approcha précipitamment du répurgateur qui s'était accroupi, et, lui faisant profiter de son haleine, Subotaï s'exclama d'une voix colérique et insistante:
"Elle est tout près, tu trouveras! Infâme pourriture au corps de déesse! Mais fais attention, prends garde... car même si tu la trouves, la fille du Chaos est... fourbe et puissante. Et elle peut te corrompre! Mais... heureux, tu peut l'être, Bultcher...
- Blutcher! coupa le répurgateur. Le druide ne l'entendit même pas.
- ...car les dieux, dans leur infinie clémence, t'ont envoyé leur plus sûr présent, leur plus fidèle serviteur!"
Rudolf, dégoutté par l'odeur fétide qu'exhalait le du druide, fit un pas en arrière pour se mettre à distance.
"Quel présent?"
Rudolf se doutait bien entendu de la réponse, une réponse qu'il redoutait malgré tout quelque peu. Subotaï restait serein. Son visage s'était éclaircit.
Alors la certitude emplit le coeur du répurgateur.
"Pas question!, tonna-t-il.
- Emmène-moi! Ensemble, nous pourrons traquer et détruire le mal qui ronge nos terres!
- Je n'ai besoin de personne. Ta présence me serait plus une entrave qu'une aide.
- Parfois, les choses ne sont pas se qu'elles semblent être... Si, tu as besoin de moi, car je sais où elle se trouve!
- De qui donc fais tu mention? Tu ne sais même pas qui je cherche! Tu n'es qu'un charlatan! Un beau parleur, voilà tout! Marrot!
Subotaï ne se vexa pas. Il resta calme et serein.
- Tu...
- Cela suffit, manant! Prends ce sou et vas ton chemin!
- Ingrid Volkspieler?"
Ingrid Volkspieler...
Blutcher n'en croyait pas ses oreilles. C'était bien elle qu'il recherchait.
"Je sais... murmura le druide.
- Dis m'en plus (Blutcher lui remit une autre couronne d'or).
- Garde ton argent, répurgateur. Je ne peux rien te dire de plus. Mais... (Subotaï écarquilla les yeux) je saurais reconnaître la cache dans laquelle elle se terre!"
Subotaï lui souriait, dévoilant les quelques dents qu'il lui restait.
"Je suppose que tu ne possède point de monture?
- Je courrais...
- Pauvre hère! Te rends tu compte de la mesure de tes paroles?
- Ne me sous-estime pas... Si je ne cours pas, il te faudra bien m'attendre.
- T'attendre? Cesse...
- Tu as bien su attendre treize jours. (Subotaï prit un air sournois). Tu pourras bien patienter encore un peu!"
Comment ce vieux fou pouvait-il savoir qu'il recherchait Ingrid depuis treize jours? Aprés tout, peut-être que oui, peut-être avait-il sous estimé le druide, et peut-être ce dernier possédait des dons de clairvoyance.
"Et bien soit, soupira-t-il d'un air agacé.
- Tu ne le regretteras pas, assura le druide.
- Ceci seul le temps nous le dira. Presse-toi! Nous partons instamment."
En l'espace de seulement quelques secondes le baluchon du prédicateur était prêt. Fier, il se dressait de toute sa hauteur devant le répurgateur, même si ce dernier le dépassait de plus d'une tête. Blutcher le regardait dans les yeux.
"Alors, quel itinéraire suivons nous?
- Ha! S'esclaffa Subotaï, heureux de voir le digne répurgateur dépendre de ses décisions. Par là!"
Il tendait l'index vers le nord, désignant la route de Middenheim.
" Es-tu sûr de toi, divinateur?
- Oui, toujours..."


Chapitre 1, 3ème partie.

Le soleil de cet après-midi de Sommerzeit rendait la route poussiéreuse, et les épaisses ombres de la forêt de Drakswald ne suffisaient pas à soulager Blutcher de l'étouffante chaleur de son armure. Même sans casque, le répurgateur avait du mal à profiter de la légère brise dont la fraîcheur carressait la route de temps à autre. Mais ce qui l'agaçait plus encore, ce qui l'énervait, à vrai dire, c'était d'entendre marmonner le druide qui le suivait; d'autant plus que ce dernier ne semblait pas souffrir le moins du monde de la canicule. En deux heures de route, Subotaï n'avait eu de cesse de chanter et de gémir en un langage inconnu de Rudolf. Et même si la patience était l'une de ses plus grandes qualités, Blutcher commençait réellement à en avoir cure.
C'en était trop.
"Prédicateur, ne cesseras-tu donc jamais? Lança-t-il.
- Hein...?
- Tes gémissements! Ils m'agacent.
- Quoi?! Veux-tu t'attirer les foudres divines? Ces chants sont les louanges qui apportent la faveur des dieux et des esprits sauvages! hurla le druide.
- Peut-être, mais si tu continues ces "chants" ne feront qu'apporter ma colère. Cesse-les.
- Quel Dieu pries-tu? demanda Subotaï, redevenu calme.
(Blutcher fut surpris par la question)
- Sigmar.
- Mourrais-tu pour sa gloire?
- Bien sûr, je mourrais cent fois s'il le fallait!
- Bien... Tu as tes croyances. Respecte les miennes."

* * * *

Le soleil déclinait lentement derrière l'épaisse forêt de Drakswald; les ombres des immenses sapins baignaient l'allée en une insécurisante pénombre depuis un long moment lorsque l'équipée parvint à la croisée de deux routes: celle de Middenheim et une autre, annexe et en mauvaise état qui, elle, se dirigeait vers l'est. Subotaï arrêta sa marche un court instant, puis se plaça au beau milieu de la croisée. Il psalmodia quelques prières, puis ouvrit un oeil et regarda Blutcher.
"Par... Ici! Cria le druide d'une voix saccadée.
Rudolf doutait de la décision de son acolyte.
- Cette route mène à un village abandonné depuis quatre ans. Il n'y a rien, là bas.
- Si! Hâtons-nous, avant que la nuit ne tombe, et que les ténèbres confortent les mauvais esprits.
- Soit..." soupira Blutcher.
Aprés tout, rien ne leur coûtait d'essayer. Si le gueux se trompait, ils auraient le temps de repartir pour la Cité du Loup Blanc, et d'atteindre la prochaine auberge-relais au crépuscule.

* * *

Très vite; ils atteignirent le village.
Ce qui par le passé avait été le lieu de vie d'une communauté prospère et accueillante n'était plus qu'un vulgaire ensemble de pierres difformes, inhospitalières et sordides. Plusieurs bâtisses avaient été réduites à l'état d'amas poussiéreux et de bois pourri, mais quelques demeures envahies par les ronces et les mauvaises herbes avaient tout de même supporté le poids des âges et des rudes intempéries. Un vieux puits à la margelle craquelée et à la corde rompue encombrait la place centrale du village, et des éclats de verres, ainsi que des débris de bois vermoulus, jonchaient les allées désertes.
"Désert... annonça Blutcher.
- Pas tout à fait.", rétorqua le druide.
Il désignait une maison à l'arrière du village. De la lumière filtrait à travers les volets.
"Allons-y.", lâcha le répurgateur, intrigué et déterminé.
Si le druide avait vu juste, sa quête toucherait bientôt à sa fin. »

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